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Article du "Cri du Peuple" commentant le décès de L. Zamenhof :

Le Cri du Peuple, 20 Mai 1917  (Latour) :
"…il avait souffert, dès sa prime jeunesse, des maux qu'engendre le défaut de compréhension entre les humains."
"…il était resté intimement convaincu que la diversité des langages était, sinon la seule, du moins la principale cause de division entre les hommes."
"Cette compréhension internationale (…) a comme adversaires conscients tous ceux qui ne veulent pas que les hommes s'unissent…"
"Il faut avoir vu cet homme simple et modeste, comme je l'ai vu pendant une semaine à Anvers…"
"…valeur immense de cet outil de paix que ce grand homme a mis aux mains de l'humanité, laquelle n'a pas encore compris qu'elle se devait à elle même de s'en servir."


Le Cri du Peuple, 20 Mai 1917 :

 

Le Cri du Peuple, 20 Mai 1917

UN GRAND MORT MÉCONNU


ZAMENHOF


Une dépêche de trois lignes nous a appris la mort, à Varsovie, du docteur Zamenhof.

Si ce nom n'a rien dit à beaucoup de gens, si cette mort les a laissés indifférents, c'est que cet apôtre qui avait nom Louis Zamenhof n'était pas connu comme il aurait dû l'être, ni son œuvre appréciée comme elle le méritait.

Né à Bielostock (Pologne Russe), le 15 décembre 1859, il avait souffert, dès sa prime jeunesse, des maux qu'engendre le défaut de compréhension entre les humains.

Dans son école, on parlait quatre langues, et les batailles étaient constantes entre écoliers ne parlant pas la même langue.

Pacifiste et déjà réaliste, le jeune Zamenhof avait mieux aimé apprendre les langues parlées par ses condisciples que se battre avec eux ; et il était resté intimement convaincu que la diversité des langages était, sinon la seule, du moins la principale cause de division entre les hommes.

De cette conviction, appuyée sur de merveilleuses aptitudes linguistiques, naquit l'Esperanto, langue internationale à laquelle il travailla pendant plusieurs années, et qu'il fit connaître en 1887.

Je ne reviendrai pas sur cette question de l'Esperanto, dont j'ai déjà entretenu les lecteurs du Cri, et qui a fait l'objet, dans ce journal, d'une polémique très instructive ; mais je tiens à signaler le côté moral de cette invention géniale, qui eût dû révolutionner le monde, et qui, je n'en perds pas l'espoir, le révolutionnera un jour.

Après Cadmus, à qui la légende prête l'invention de l'alphabet, après Gutenberg, qui inventa l'imprimerie, Zamenhof devrait venir en troisième dans la reconnaissance des peuples ; le premier a fourni aux humains le moyen d'exprimer leur pensée, le second leur a permis de la fixer et de la répandre, lui, troisième, leur a donné la possibilité, quand ils le voudront, de se comprendre tous.

Cette compréhension internationale, des douceurs de laquelle j'ai joui au Congrès esperantiste d'Anvers en 1911, outre quelques adversaires inconscients, pris un peu partout, a comme adversaires conscients tous ceux qui ne veulent pas que les hommes s'unissent, parce qu'ils savent que s'unir c'est s'émanciper.

C'est ce qu'avait bien compris Zamenhof, et, après avoir été le créateur et le grand propagandiste de l'Esperanto, il s'était obstinément refusé à en être le chef, dès qu'il avait senti que la période d'études était close et que son œuvre pouvait voler de ses propres ailes.

Il faut avoir vu cet homme simple et modeste, comme je l'ai vu pendant une semaine à Anvers, pour se rendre compte de ce que peut une idée forte et profonde dans un cerveau droit et honnête ; et il faut avoir vécu cette vie d'intercompréhension générale, avec des gens venus de 41 pays différents, pour apprécier la valeur immense de cet outil de paix que ce grand homme a mis aux mains de l'humanité, laquelle n'a pas encore compris qu'elle se devait à elle même de s'en servir.

Le dixième Congrès international esperantiste devait avoir lieu à Paris le 2 août 1914 ! S'il eût pu avoir lieu plus tôt, qui sait quelle eût été son influence sur les événements ?

Comme le dit excellement Severine, dont la conclusion sera la mienne :

« Tout est là : SE COMPRENDRE. N'être pas sourd aux accents que profère une bouche étrangère ; saisir la pensée au travers des sons ; savoir ce que dit l'autre — pauvre comme toi, souffrant comme toi, frustré comme toi. — SEVERINE ».

LATOUR.      

[Noto : nomo "GRISIER", substrekita, mane skribita inter la du ĉi-superaj nomoj.]


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