Unuiĝo Franca por Esperanto
Biblioteko Hippolyte Sebert
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Article du "Réveil de Cherbourg" commentant le décès de L. Zamenhof :
Zamenhof vient de mourir à Varsovie !
La cruelle nouvelle a tenu deux lignes dans les grands quotidiens d'information. Il semble que le monde européen, en proie aux flammes de la guerre, ne peut pas remarquer un roseau faible, mais pensant, qui se brise au milieu de cette gigantesque tempête. Dans les groupes espérantistes du monde entier, cette mort provoquera une immense douleur et bien des yeux s'humecteront de larmes à la pensée que Zamenhof n'est plus là pour se dresser sous l'étendard de l'espérance, vivant symbole de notre langue, auteur, propagateur et défenseur de l'Esperanto.
Et nous savions que ça lui était une souffrance d'être ainsi constamment acclamé, honoré, adulé ! Sa modestie s'accommodait mal des ovations enthousiastes qui le saluaient à chacun des congrès universels et annuels d'Esperanto et, lors du 25e anniversaire de notre langue, il avait demandé qu'on ne lui donnât plus le titre de Maître, mais seulement celui d'Initiateur.
Il est mort mi-avril, en pleine ville révoltée contre la Prusse, puisque les deux sinistres couronnés d'Allemagne et d'Autriche ont renvoyé à plus tard leur entrevue de Varsovie.
Et dans Varsovie même, parmi les souffrances et les ruines de l'occupation allemande, parmi les vexations et les abus de pouvoir, cette mort du Dr L.-L. Zamenhof a dû passer presque inaperçue.
Quelle forte personnalité pourtant ! Quelle merveilleuse intelligence, créatrice du parler nouveau aux intonations chaudes et chantantes ! Dans cet homme vibrait une ardeur d'apôtre et chacun de ses discours montrait un dévouement absolu aux choses de l'humanité. Je ne l'ai jamais vu, et, d'ailleurs, ce n'est que depuis 1915 que je suis devenu un fervent espérantiste, mais j'ai lu toutes ses œuvres, goûté tous ses discours. À travers ces textes lumineux, ces phrases exactes et douces, j'ai appris à l'aimer fortement, comme on aime les consciences droites et les guides ardents d'une idée.
Jamais je ne le verrai présider les congrès universels et nous regretterons tous qu'il ne soit pas au milieu de l'Esperantistaro pour assister à notre triomphe.
Car nous triompherons ! Un beau jour de renaissance les nations organisées démocratiquement, la Société des Nations, instituera l'étude de l'Esperanto dans toutes les écoles commerciales, industrielles ou agricoles, comme langue seconde de tout homme civilisé !
Utopie ? Mais non ! « Ce qui nous paraît une utopie aujourd'hui sera une réalité demain, » avait dit Félix Faure à propos d'une alliance possible entre l'Italie et la France. Les événements lui ont donné raison, comme ils nous donneront raison demain !
Assurément, et nous serions naïfs de le croire, notre langue ne supprimera pas d'un seul coup les mensonges, les préjugés, les erreurs et les passions ; mais elle augmentera et facilitera les rapports internationaux pour le plus grand bien de l'espèce humaine. Est-ce à dire que nous voulons imposer une religion, une politique ou une théorie au monde entier ; que nous voulons supprimer l'évolution des races et des patries ? Non ! mille fois non ! Nous voulons simplement atténuer la barrière des langues pour que les frères en religion, en idéal ou en science se comprennent, se connaissent et s'estiment !…