Unuiĝo Franca por Esperanto
Biblioteko Hippolyte Sebert
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Trois coupures de presse de "L'Œuvre" annonçant la mort de L. Zamenhof :
On annonce la mort du docteur Zamenhof, inventeur de l'esperanto.
Le docteur Zamenhof est mort d'un chagrin contracté à l'époque de la mobilisation générale. Car sa seule raison de vivre était la langue universelle créée pour permettre à tous les hommes de s'entendre. En s'écroulant, la tour de Babel a enseveli sous ses décombres le rêve du docteur Zamenhof.
Le voilà donc mort ce bon, cet excellent apôtre qui voulait simplement que l'espéranto fût le maître de l'univers. Il avait eu une idée. Rien qu'une, mais c'était une grande idée. Tant de gens se sont rencontrés, de par le monde, qui n'ont même jamais eu d'idée toute petite ! Ce bon, cet excellent apôtre à la confusion des langues substituait la fusion des langues. Il installait une école Berlitz dans la tour de Babel : et à chaque étage on enseignait une langue exclusive, unique, la vraie, la seule, celle qui défiait toutes les concurrences — goûtez et comparez ; l'essayer c'est l'adopter — bref la langue parfaite et définitive, l'argot universel…
Penses-tu réussir ? comme on disait dans le temps où se développait le rêve espérantiste.
Non, ce bon, cet excellent apôtre ne pouvait pas réussir. Mais son rêve charmant n'était point ridicule. Et si Zamenhof fût mort en une époque plus calme, on lui eût consacré dans les journaux mainte oraison tout juste funèbre, et on eût étudié son œuvre avec quelque scepticisme sans doute, avec quelque révérence néanmoins. Il était, en effet, un idéaliste ingénieux, grandiose, téméraire et un peu fol.
Ce bon, cet excellent apôtre n'avait point fait, il est vrai, la conquête de Paris. Mais il avait fait la conquête de Boulogne-sur-Mer. Ce dont les Allemands furent toujours bien empêchés…
À Paris cependant, Zamenhof avait obtenu quelque gloire, assez incertaine au demeurant. On ne savait trop si, chez nous, il avait la figure d'un correspondant étranger de l'Institut ou d'un compère de revue de fin d'année…
Ce bon, cet excellent apôtre nous était venu de Varsovie, où il n'était pas avocat, ni même médecin encore qu'on l'appelât docteur. Mais, là-bas, on appelle docteur à peu près tout le monde, et c'est sans doute pour faire enrager les médecins. Lorsque, en 1905, il arriva à Boulogne, il trouva à la gare six cents personnes qui parlaient un langage qui n'avait de nom dans aucune langue et qui était l'espéranto. Ces personnes bien intentionnées se réunirent en un congrès, et décidèrent que l'espéranto était déjà la langue universelle. Lorsque le bon, l'excellent apôtre retourna à Varsovie — car il y retourna — les congressistes ne l'y suivirent point, mais ils l'accompagnèrent jusqu'à la gare de Boulogne et, quant à lui, il put imaginer que Boulogne était une drôle de ville où chacun parlait l'espéranto…
Il éxagérait. L'espérantisme, en France, réalisa des progrès médiocres. Ainsi dans les autres pays. Les espérantistes sont d'autant plus ardents qu'ils sont moins nombreux. Leur remontre-t-on leur faiblesse, ils se fâchent et répondent qu'ils ne sont pas dix-sept, mais vingt-trois et peut-être vingt-quatre, si l'on compte, comme cela se doit, quelqu'un qui n'est pas mort mais qui est bien souffrant…
L'empire de Zamenhof est donc trop chétif pour rappeler en rien l'empire de feu Alexandre. Mais les héritiers fugitifs de son héritage précaire rappelleront les successeurs d'Alexandre. Ils se partageront l'empire, et même se déchireront entre eux. N'avaient-ils pas déjà commencé ! Le prophète Zamenhof eut la douleur de connaître le schisme. Parce qu'il se flattait d'être savant, il avait inventé l'espéranto ; parce que d'autres se flattaient d'être plus savants que lui, ils avaient inventé l'ido. Hélas ! la mort rejoint les inventeurs et les inventions. Louis Couturat, le propagateur acharné de l'ido, avait précédé Zamenhof. J'espère qu'ils se rencontreront dans le monde meilleur où les voici tous les deux et qu'ils se réconcilieront — en français.
En français, ou en anglais !
Le bon, l'excellent apôtre de l'espéranto était un fantaisiste délicieux. Mais il avait quelque sagesse en sa fantaisie. Il sentait qu'un jour les hommes et peut-être les femmes deviendraient plus unis. Ils éprouveraient le besoin de mieux se comprendre pour s'aimer davantage. Ils aspireraient à posséder un langage commun. Certes, l'argot universel est impossible, mais des langues à peu près universelles sont possibles. Possibles et nécessaires.
Pour notre groupe de civilisation, on devra parler l'anglais et le français. Il importe de créer, dans la mesure efficace, l'obligation réciproque de l'enseignement de l'anglais dans les pays de langue française et du français dans les pays de langue anglaise. On y songe.
Le projet lancé en 1900 par Paul Chapelier, accueilli avec enthousiasme par Michel Breal, est accepté maintenant non sans faveur par les Parlements de France et d'Angleterre. Il faut que les États-Unis s'y intéressent. J'ai oublié de le dire au maréchal Joffre et à Viviani avant leur départ. Avis, du moins, à André Tardieu qui nous reste encore quelques jours ! Je le supplie d'emporter cette idée dans ses bagages.
Et plus tard on élévera une belle statue à celui qui aura fait aboutir cette idée si favorable à la paix du monde.
J. Ernest-Charles
Le docteur Zamenhoff, oculiste à Varsovie, inventeur de l'Esperanto, mort dernièrement, était un Juif de Bialostok.
Nous lisons dans le Carnet de la Semaine (29 Avril) :
Avant de concevoir un nouveau langage, il avait caressé le rêve de faire adopter le yiddisch par le monde entier.
« Le yiddisch, disait-il, se parle déjà dans presque tous les pays, puisque les Juifs sont un peuple migrateur ».
Toujours les conquérants veulent imposer leur langue aux peuplades conquises.
Dans l'ancienne Œuvre hebdomadaire (7 novembre 1912), j'ai signalé la proposition suivante de l'Univers israélite et de l'Écho sioniste :
[…mankas…]