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Biblioteko  Hippolyte  Sebert

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Le Mont-Saint-Michel — 9/12

L’Abbaye.

Le Châtelet.
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Le Châtelet

Précédé de la barbacane qui lui sert d’avancée, le Châtelet est un magnifique ouvrage de fortification construit au début du XVe siècle par Pierre Le Roy et qui forme, depuis lors, l’unique entrée de l’abbaye. C’est une sorte de donjon carré qui se relie à droite à la Merveille par une courtine et la tour à pans des Corbins ; la porte s’ouvre sur la face Nord, flanquée de deux tourelles en cul-de-lampe toujours et justement comparées à deux gigantesques bombardes dressées sur leur culasse. Quelques marches accèdent à cette entrée grandiose et se continuent par des degrés verdis qui montent très raides sous une voûte rampante et s’y perdent dans l’ombre : c’est l’impressionnant escalier du Gouffre.

Au haut du Gouffre, une belle porte du XIIIe siècle surmontée de trois niches occupées jadis par saint Aubert, saint Benoît et saint Maur donne entrée dans le bâtiment appelé Belle-Chaise et bâti en 1257 par Richard Tustin : appuyé au Sud à la Tour Perrine, il comprend la salle des Gardes surmontée de la salle du Gouvernement.

Salle des Gardes.
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Salle des Gardes

La salle des Gardes, avec sa vaste cheminée du XVe siècle, forme un simple palier sous voûte. Quelques emmarchements la relient d’une part avec la cour de la Merveille où se trouve le logement des gardiens, d’autre part avec la cour de l’ Église, étroite et profonde comme un puits, où commence la saisissante perspective tournante du grand escalier abbatial. Cette sinueuse avenue de degrés et de paliers étagés date, dans son état actuel, de Guillaume de Lamps (1499-1510) ; elle est si encaissée et assombrie entre l’église à droite et les bâtiments abbatiaux à gauche, que le pygmée humain qui la gravit est littéralement étreint par les formidables à-pic de murailles qui l’enserrent et surtout par l’élan vertigineux des contreforts de l’église. Les bâtiments abbatiaux, sévères et nus, percés de rares fenêtres, datent de diverses époques des XIIIe et XIVe siècles ; ils contenaient, outre le logis de l’abbé, la procure, l’infirmerie, la chapelle Sainte-Catherine et divers autres logements destinés aux officiers et aux hôtes. Un beau pont fortifié (1450) aux mâchicoulis trilobés, et plus haut une passerelle en bois restaurée, enjambent gracieusement le couloir des degrés, reliant ces bâtiments à l’église.

Le grand escalier abbatial et le pont fortifié
(restauration de Éd. Corroyer).
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Le grand escalier abbatial et le pont fortifié

C’est presque un soulagement que l’on éprouve, et un subit éblouissement, quand, de l’ombre emmurée des grands degrés, on débouche tout à coup sur la plate-forme du Saut-Gaultier. Soudain, le regard, emprisonné, s’échappe, et plane, au Sud, sur la baie, le ruban de la digue et les campagnes vertes de Pontorson où s’enfonce, comme une trouée de lumière, le chenal du Couesnon. Gaultier est, dit-on, le nom d’un sculpteur qui vivait à l’abbaye du temps de François Ier, et se précipita un beau jour, du haut de cette terrasse, sur les rochers.

Plate-forme du chevet de l’ Église.
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Plate-forme du chevet de l’ Église

Au Saut-Gaultier, on se trouve au niveau du sommet naturel du rocher et de plain-pied avec l’église, l’œuvre centrale qui domine toute l’abbaye. On y entre sur le flanc Sud par une belle porte du XIIIe siècle. L’église désaffectée, dépouillée de ses richesses d’autrefois — sauf quelques retables et bas-reliefs charmants — se présente dans toute sa majestueuse nudité, avec le contraste saisissant de deux époques et de deux styles. Les quatre travées de la nef avec ses collatéraux et son beau triforium, les piliers et les arcs triomphaux qui soutiennent la tour centrale, enfin le transept et ses deux chapelles semi-circulaires, appartiennent à l’église romane édifiée de 1020 à 1135 : leur style sévère et puissant s’harmonise admirablement avec les tons rouges et verdâtres qu’ont pris leurs vieilles pierres rouillées ou moussues.

La nef avait jadis sept travées : les trois premières menaçant ruine, dit-on, furent abattues en 1776, et le pignon fermé, selon le goût du temps, par une affreuse façade de style Jésuite, aujourd’hui toute mangée de lichens jaunes. À la place des travées détruites s’épanouit la grande plate-forme de l’Ouest d’où le panorama est bien plus étendu encore que du Saut-Gaultier.

L’ Escalier de Dentelle.
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L’ Escalier de Dentelle

Mais rentrons dans l’église… Le chœur de l’édifice roman s’étant écroulé en 1421, Guillaume d’Estouteville commença, en 1450, le chœur actuel, et ainsi, c’est à un bienheureux malheur que nous devons un des chefs-d’œuvre les plus accomplis de l’art gothique flamboyant, dans tout l’élan, la maigreur et la sveltesse de ses lignes, dans toute l’exubérance et la délicatesse de son ornementation. Il est presque incroyable que le dur granit se soit laissé étirer, fouiller, ajourer avec une telle souplesse ! En débouchant des robustes ouvrages romans, on admire mieux encore le sursaut aérien de ce merveilleux rond-point avec la triple envolée de ses ogives aiguës, de son triforium à claire-voie et de ses fenêtres hautes d’où tombe à flots la lumière du matin. Mais la vue extérieure du chevet est peut-être plus admirable encore avec l’amphithéâtre pyramidal de ses chapelles rayonnantes, de l’abside, des doubles arcs-boutants et de leurs pinacles. C’est parmi cette extraordinaire floraison de pierre qu’est jeté l’aérien, le vertigineux « escalier de dentelle » montant sur le fil ténu d’un arc-boutant jusqu’à la galerie supérieure du grand comble. De là-haut, suspendu à 120 mètres au-dessus des grèves, il semble réellement que l’on plane à vol d’oiseau sur le roc, la ville, l’abbaye et toute la baie dessinée comme sur une carte, et que l’on fraternise avec l’apparition dorée du Saint Michel de Frémiet, dressée pourtant 40 mètres plus haut encore, sur la fine flèche moderne de la tour centrale.

L’ Escalier de Dentelle.
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L’ Escalier de Dentelle

Des régions éthérées faisons un brusque plongeon dans les régions souterraines, je veux dire dans les vastes substructions qui enveloppent la pointe du rocher et soutiennent l’église haute.

Crypte des Gros Piliers.
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Crypte des Gros Piliers

Nous admirerons d’abord, sous le chœur, la robustesse trapue et élégante à la fois de la crypte des Gros-Piliers où les nervures des voûtes viennent se fondre avec tant d’art sur les énormes fûts cylindriques, où les deux colonnes centrales surtout se ramifient comme des palmiers géants.

Chapiteau du Promenoir.
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Chapiteau du Promenoir

Promenoir des Moines.
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Promenoir des Moines

Puis, vers l’Ouest, nous visiterons un vaste ensemble de salles, cryptes et galeries superposées des XIe et XIIe siècles, pâté de constructions massives et sombres où subsistent les plus anciennes parties de l’abbaye, où dorment aussi dans l’ombre les plus sinistres souvenirs du Mont… Descendons, voici le Promenoir, l’ancien cloître des moines, belle galerie à deux nefs des premières années du XIIe siècle ; à côté, la petite chapelle Saint-Symphorien, dite aussi le Cachot du Diable avec son élégante colonne centrale ; plus loin, les restes de l’hôtellerie édifiée par Robert de Torigni ; c’est là, dans une étroite galerie, sous une arcade basse, qu’aurait été, dit-on, la fameuse cage de fer inventée par Louis XI…

Chapiteau de l’Aquilon.
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Chapiteau de l’Aquilon

Crypte de l’ Aquilon.
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Crypte de l’ Aquilon

Descendons encore : voici la crypte de l’Aquilon dont les deux nefs romanes, si pures, se dessinent avec l’escalier d’accès dans un saisissant effet de clair-obscur ; puis le charnier des moines, où les religieux morts étaient descendus directement de l’église et enterrés dans la chaux vive ; la chapelle Saint-Étienne, qui jette dans ces rudes soubassements une note inattendue du XIIIe siècle ; la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre, plus tard chapelle des Trente-Cierges, occupée aujourd’hui par l’énorme roue où les prisonniers tournaient comme des écureuils pour monter les charges ; enfin la chapelle Saint-Martin, robuste vaisseau roman qui ramène aux Gros-Piliers.

Roue du Poulain.
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Roue du Poulain

Descendons encore, plus profond que l’Aquilon, et, dans la nuit qui s’épaissit toujours, voici le quartier des prisons, des cachots affreux tels que les Jumeaux qui sont plutôt des in-pace, des tombeaux pour vivants…


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